
Thomas Porcher a déclaré dans le média Le Crayon : « Il n’y a pas de problème de dette en France. »
Vraiment ? Pour expliquer pourquoi c'est aussi crédible que dire que la Terre est plate, prenons ses arguments un par un, comme si nous devions les expliquer à un enfant de 5 ans.
1ère phrase : « Vous savez, en comptabilité, quand vous avez une dette, vous avez un actif. Si vous êtes un ménage, vous avez une dette parfois, mais vous avez aussi des appartements. »
Ce que dit Thomas Porcher :
L’idée est que la dette d’un État est équilibrée par des actifs publics ou privés, à l’image d’un ménage qui a une dette (emprunt immobilier) mais aussi un actif correspondant (appartement).
Pourquoi c’est faux :
1. Comparaison erronée : Un État n’est pas un ménage. Les actifs publics (routes, hôpitaux, écoles) ne peuvent pas être vendus sans impact social majeur.
2. Les actifs ne rapportent pas directement : Beaucoup d’actifs publics, comme des routes ou des écoles, coûtent plus qu’ils ne rapportent.
3. Dette sans création d’actif : Une grande partie de la dette finance des dépenses courantes, pas des actifs tangibles.
Exemple pédagogique :
Imaginez qu’un parent s’endette pour financer des vacances, sans acheter aucun bien. À son retour, il a une dette mais aucun actif à revendre pour rembourser. C’est la situation de l’État : beaucoup de dépenses, peu d’actifs monétisables.
2ème phrase : « C’est comme si vous aviez une dette de 500 000 euros et un patrimoine de 600 000 euros. Dans ce cas-là, vous héritez de 100 000 euros. »
Ce que dit Thomas Porcher :
Tant que le patrimoine est supérieur à la dette, la situation est maîtrisable, voire bénéfique.
Pourquoi c’est faux :
1. Patrimoine immobile : Les infrastructures ou entreprises publiques ne peuvent être vendues facilement ou sans conséquences sociales.
2. Patrimoine surestimé : La valeur de nombreuses entreprises publiques déficitaires est bien inférieure à leur coût comptable.
3. Dette croissante : Si la dette augmente plus vite que le patrimoine, la situation se détériore rapidement.
Exemple pédagogique :
Imaginez que vous possédez une maison (600 000 €) mais que vous empruntez chaque année 50 000 € pour vos dépenses courantes. Dans cinq ans, votre dette atteint 750 000 €, et votre maison ne vaut toujours que 600 000 €. Vous êtes techniquement en faillite, même si vous avez des actifs.
3ème phrase : « L’Afrique a 1,5 milliard d’habitants et une dette plus faible que celle de la France. Pourtant, la dette africaine est un grave problème. »
Ce que dit Thomas Porcher :
L’Afrique a une dette globale plus faible que celle de la France (environ 800 milliards d’euros pour tout le continent, contre 3 000 milliards pour la France), mais elle a des problèmes parce que son patrimoine public est faible.
Pourquoi c’est faux (ou incomplet) :
Imaginons que tu as deux amis. L’un a emprunté 10 euros, mais il ne gagne que 1 euro par mois. L’autre a emprunté 100 euros, mais il gagne 10 euros par mois. Qui est dans une meilleure situation ? Le deuxième, parce qu’il a plus de revenus pour rembourser, tout en tenant compte des dépenses de la vie courante.
Les pays africains ont des économies plus petites (le PIB total de l’Afrique est autour de 3 000 milliards d’euros, contre 2 800 milliards pour la France seule) et moins de moyens pour rembourser leurs dettes. C’est pour cela que leur dette est problématique. Mais attention, cela ne veut pas dire que la France n’a pas de problème. Ce serait comme dire : « Mon voisin a cassé sa voiture, alors moi, je ne vais jamais avoir un accident. »
4ème phrase : « Nous avons un patrimoine public élevé, c’est-à-dire des bâtiments publics, des entreprises publiques, et des placements financiers. »
Ce que dit Thomas Porcher :
La France peut se permettre d’avoir une grosse dette parce qu’elle possède beaucoup de choses de valeur.
Pourquoi c’est simpliste :
1. Vendre les écoles et les hôpitaux ? Pas possible.
2. Vendre EDF ou la SNCF ? Ce sont souvent des entreprises déficitaires. Qui voudrait les acheter ?
3. Les « placements financiers » : Oui, l’État possède des actions et des obligations, mais leur valeur totale (autour de 1 200 milliards d’euros) est bien inférieure à la dette (plus de 3 000 milliards).
Chiffre clé :
En 2023, la dette représente 112 % du PIB de la France, tandis que son patrimoine net représente environ 50 % du PIB. Si on vendait tout, on ne couvrirait même pas la moitié de la dette.
5ème phrase : « Nous avons des investisseurs qui demandent notre dette. »
Ce que dit Thomas Porcher :
Les investisseurs font confiance à la France, donc tout va bien.
Pourquoi c’est dangereux de penser ça :
Les investisseurs prêtent à la France parce que la BCE garantit notre dette. La BCE achète des obligations françaises pour maintenir les taux d’intérêt bas. C’est comme si ton grand-père promettait de rembourser tes dettes si tu n’y arrivais pas. Mais si un jour il dit : « Je ne peux plus t’aider », tu es en difficulté.
Exemple concret :
Avant la crise de 2008, les investisseurs prêtaient à la Grèce sans problème. Mais quand ils ont compris que la Grèce ne pouvait pas rembourser, ils ont arrêté de prêter. Résultat : la dette grecque a explosé, et le pays a dû demander l’aide de l’Europe. En France, si la BCE arrête de soutenir notre dette, les taux d’intérêt vont grimper, et la charge de remboursement deviendra insupportable.
6ème phrase : « La dette n’est pas un problème, c’est une peur qu’on instrumentalise. »
Ce que dit Thomas Porcher :
Les gens qui disent que la dette est un problème exagèrent pour justifier des coupes budgétaires.
Pourquoi c’est naïf :
Dire que la dette n’est pas un problème, c’est comme dire qu’on peut manger des bonbons toute la journée sans jamais avoir mal aux dents. La dette est supportable tant que :
• Les taux d’intérêt restent bas.
• La France peut emprunter sans problème.
Mais si les taux montent ou si les investisseurs perdent confiance, les conséquences sont terribles :
• Moins d’argent pour les écoles, les hôpitaux, et les retraites.
• Hausse des impôts pour rembourser les dettes.
Chiffre clé :
En 2023, la France dépense 40 milliards d’euros par an rien que pour les intérêts de sa dette. Si les taux augmentaient de 2 %, cette charge passerait à 80 milliards, soit l’équivalent du budget annuel de l’éducation nationale.
Exemple pédagogique : Comment la dette détruit un pays ?
Pour comprendre, regardons ce qui s’est passé en Grèce :
1. Avant la crise : La Grèce empruntait beaucoup d’argent, pensant que tout irait bien.
2. Déclencheur : Les investisseurs ont compris que la Grèce ne pouvait pas rembourser. Ils ont arrêté de prêter, et les taux d’intérêt ont explosé.
3. Conséquences :
• Le pays a dû couper les salaires des fonctionnaires et les retraites.
• Des hôpitaux ont fermé faute de financement.
• Le chômage a atteint 27 %.
• Les jeunes qualifiés ont quitté le pays, aggravant encore la situation.
Leçon :
Si tu dépenses plus que ce que tu gagnes, tôt ou tard, tu dois payer.
Conclusion : La dette française, une bombe à retardement
Thomas Porcher nous dit que tout va bien parce que la France est spéciale, avec son patrimoine et la confiance des investisseurs. Mais il oublie que cette confiance repose sur des béquilles (la BCE) et que notre patrimoine n’est pas une baguette magique.
Si nous ne contrôlons pas la dette maintenant, les conséquences pour notre génération et celles à venir seront désastreuses.
« Ce n’est pas parce que tu n’as pas mal aujourd’hui que tu n’auras pas mal demain. »
La France doit réduire ses dépenses inutiles, améliorer la gestion de ses services publics, et surtout arrêter de croire que « tout va bien ». Ce n’est pas en fermant les yeux qu’on empêche un mur de nous arriver en pleine face.
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